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Le complot du projet professionnel

"Quel est votre projet N?" "Avez-vous un plan A et quel est votre plan B ?". Phrases maudites que les professionnels de l'accompagnement se voient poser un jour. Certains comme moi décident de boycotter ces questions et je vous explique mes raisons !



Dans peu de temps, je fête mes 4 ans dans le secteur du recrutement, précédées de 11 années de travail dans le secteur de l’orientation, années auxquelles vous ajoutez 6 ans en formation des adultes. Oui, oui, on parvient à 20 ! Et durant ces 20 années, de nombreuses remises en question sur ma posture et sur la manière d'aborder la vie et l'accompagnement.

Une belle erreur !

Selon moi, nous faisons une erreur monumentale à poursuivre le travail sur le projet professionnel auprès de certains publics. En effet, nous croulons sous les dispositifs et les publics passent leur temps à passer de l’un à l’autre. Sans succès. Les offres non pourvues le sont toujours, les demandeurs d’emploi augmentent, les entreprises râlent, la société est malade. Bref les recettes se succèdent, s’annulent, se remplacent et reviennent au gré des changements politiques.

Il y a sept ans, je me suis formée au coaching sans objectif particulier mais avec la conviction que les techniques de cet art du questionnement correspondaient à ma pratique de professionnelle.

Mon expérience de manager d'une équipe d'insertion a forcé ma réflexion. J’ai pu assister et participer à des échanges entre deux visions du monde au sein d’une équipe de travail. D’un côté l’équipe « On doit les aider à choisir leur métier car c’est important de faire le métier qu’on rêve. On devrait tous pouvoir faire ce pour quoi on a une vocation » et l’autre « La vie est opportunité, nous devons accompagner une agilité au sein même des parcours. Parlons du projet de vie et non pas que du projet pro ».


Qui a raison ? Qui l’emporte ?

Sur le terrain, je dirais c’est la première équipe. Mais vous aurez deviné que je n’adhère pas à cette vision.

Mon public était un public de jeunes adultes sans diplôme et à priori assez éloignés de l’emploi. Pourquoi éloignés ? Ils trainent des freins et de multiples empêchements. Pour certains, des vies personnelles lourdes, des manquements éducatifs, des ruptures scolaires, des problèmes de santé physique ou mentale, des dettes, une instabilité de logement. Leurs besoins primaires sont à peine comblés et nous, professionnels, les interrogeons sur leur projet professionnel. Nous leur proposons de construire ce projet, de le valider…Alors nous les envoyons faire des recherches, leur demandons de choisir, d’être responsables et acteurs de le vie. Quelle violence…. Aujourd'hui, je rencontre également des cadres, des techniciens, des personnes "adultes" au parcours chargé. Les problèmes sont différents mais on leur demande également de travailler leur projet...Là, où leur envie est de retrouver une activité leur permettant de vivre décemment et pourquoi pas de s'épanouir.

D’ailleurs, vous êtes plutôt celui qui donne du poisson à celui qui a faim ou celui qui apprend à pêcher ? Dans un séminaire pour professionnels, j’ai été la seule à me positionner pour donner le poisson. On ne travaille bien que si le ventre est plein. Bien entendu, une fois « nourris », on passe à l’apprentissage. Un peu comme avec des enfants à qui on apprend.

Alors, peut être pourrions-nous orienter nos actions vers l’accompagnement du projet de vie ? Pourrions-nous réfléchir différemment ?

Mes pistes d'action ?

Pour moi, un public en besoin d’accompagnement est avant tout un public constitué d’individualités, de personnes en manque de confiance en soi. Que l'on soit jeune ou un peu moins, al situation de recherche de travail n'est pas simple. Cela remet en question parfois nos choix de vie. Commençons par renforcer leur estime d’eux. Proposons leur d’apprendre à rêver, à projeter avant de faire une enquête métier. Acceptons-les avec leurs failles, allons faire éclore leurs talents, redonnons-leur goût à la vie, apprenons-leur à croquer dans la pomme…

L’envie suscite l’envie. La découverte de soi permet d’aller sereinement à la rencontre de l’autre. L'agilité est très certainement un soft skill plus utile que la projection.

Et puis, le bonheur est aussi dans autre chose que dans l'emploi non ? Accompagner les êtres à devenir eux-même, à se découvrir, à être heureux pleinement est une mission bien plus importante que de connaitre leur projet A et B. Peut-être puis-je rêver d'un monde dans lequel l'identité se construirait un peu différemment ?


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